Depuis la publication par Albert Einstein de la théorie de la relativité restreinte en 1905, la vitesse de la lumière dans le vide a le statut de constante fondamentale en physique et d’invariant relativiste : elle est la même pour tout observateur, quelque soit le référentiel. Plusieurs expériences ont ainsi permis de fixer la valeur de la constante c. Toutefois, il est possible qu’en réalité, la vitesse de la lumière observée dans le vide soit influencée par les fluctuations quantiques de ce même vide. Ce phénomène hypothétique porte le nom d’effet Scharnhorst.
En 1933, les physiciens Klaus Scharnhorst et Gabriel Barton publient un article dans la revue Journal of Physics A: Mathematical and General, décrivant un phénomène hypothétique dans lequel un photon, entre deux plaques conductrices rapprochées, voyageraient à une vitesse très légèrement supérieure à la vitesse de la lumière dans le vide c. Par la suite, en 1998, Scharnhorst publie un nouvel article détaillant et complétant le premier.
Pour aboutir à ce résultat, les deux physiciens utilisent la théorie de l’électrodynamique quantique (QED), c’est-à-dire la théorie quantique de l’électromagnétisme. Selon la QED, en vertu du principe d’indétermination d’Heisenberg sur le temps et l’énergie, le vide est animé de fluctuations quantiques permanentes, matérialisées par la création de particules et d’antiparticules virtuelles. Une fois apparues, celles-ci s’annihilent, elles ont une durée de vie extrêmement brève.
Scharnhorst et Barton montrent qu’au cours de sa trajectoire dans le vide, il est possible qu’un photon interagissent avec ces particules et antiparticules virtuelles. L’absorption du photon par l’une d’elles donnerait alors lieu à la création d’une paire électron-positron qui s’annihilerait presque aussitôt, réémettant un photon identique au premier. Cette transition photon → paire électron-positron → photon, bien qu’ultra-brève, suffirait à ralentir le photon et à diminuer la véritable vitesse de la lumière dans le vide pour un observateur.
Les auteurs se sont alors penchés sur les situations où de telles fluctuations n’existent pas, ou sont trop rares et peu nombreuses pour affecter la trajectoire d’un photon. C’est le cas dans l’effet Casimir, démontré par le physicien Hendrik Casimir en 1948. Cet effet, basé sur la QED, postule qu’entre deux plaques conductrices parallèles non-chargées et suffisamment proches, certaines longueurs d’onde correspondant à des fluctuations quantiques sont trop grandes pour exister dans cet espace restreint, et en sont donc exclues.
L’effet Casimir est une force attractive apparaissant entre deux plaques parallèles non chargées. Il résulte de l’existence de fluctuations quantiques du vide poussant les plaques l’une contre l’autre, la densité d’énergie (particules virtuelles) entre les plaques étant plus faible qu’à l’extérieur en raison de l’exclusion de certaines longueurs d’onde. Ainsi, un photon se propageant entre deux plaques subira moins d’interactions et sa vitesse de déplacement mesurée apparaîtra plus grande que c. Crédits : Byjus
Il en résulte ainsi une quantité de particules virtuelles entre les deux plaques plus faible qu’à l’extérieur, produisant un effet d’attraction entre les deux plaques (les fluctuations quantiques extérieures exerçant une pression de part et d’autre des plaques que les rares particules virtuelles situées à l’intérieur ne parviennent pas à compenser). L’effet Casimir a été confirmé expérimentalement de nombreuses fois.
Étant donné le nombre bien moins élevé de particules virtuelles entre les deux plaques, un photon pourrait voyager en interagissant moindrement avec elles, entraînant, pour un observateur, une vitesse de la lumière un petit peu plus élevée que c. Dès lors, plus les plaques sont rapprochées, plus la densité de particules virtuelles est faible, et plus la vitesse de la lumière paraîtra élevée.
Cependant, l’effet Scharnhorst, s’il existe effectivement, est bien trop faible pour pouvoir être détecté. Entre deux plaques espacées d’un micromètre, la vitesse d’un photon ne serait augmentée que d’un facteur 1/1036 (un angström par milliard d’années), soit un changement bien trop négligeable pour être détecté par les technologies d’observation actuelles.
En outre, de nombreux physiciens, y compris Scharnhorst lui-même, ont montré que l’effet ne pouvait permettre de violer la causalité et d’être utilisé dans des systèmes de communication supraluminique. Cela est notamment dû aux corrections quantiques qui doivent être apportées au regard de la valeur de la constante de structure fine, empêchant virtuellement tout observateur de mesurer une vitesse du photon v > c entre les deux plaques.
Thomas Boisson