L’étude minutieuse de l’interaction entre les ondes de choc devrait aider les ingénieurs à développer des avions supersoniques plus silencieux. Crédits : NASA
L’étude de l’aérodynamique des aéronefs, notamment celle des avions de ligne, est primordiale pour la conception d’appareils toujours plus rapides et silencieux. Pour la première fois, des physiciens ont imagé les ondes de choc de deux avions supersoniques en interaction. Ces données permettront de mieux comprendre la formation et la dynamique des ondes de choc lors du passage du mur du son, afin de développer des avions commerciaux supersoniques et relativement silencieux.
Les images représentent deux T-38 de l’US Air Force volant à des vitesses supersoniques et distants de moins de neuf mètres, avec un flux d’ondes de choc émanant de chaque côté. Il existe également une image d’un seul T-38 volant sur ce qui est décrit comme le « bord de la lame d’un couteau ». « Nous n’avons jamais imaginé que ce serait aussi clair, aussi beau » déclare JT Heineck, physicien au centre de recherche Ames de la NASA.
Les images font partie d’une mission aéronautique de la NASA dédiée en partie à comprendre comment les ondes de choc interagissent les unes avec les autres et avec les panaches d’aéronefs. Ces connaissances pourraient bientôt être utilisées, car l’agence spatiale travaille à la mise au point d’un avion commercial capable de voler en silence, même à une vitesse supérieure à celle du son.
En volant à des vitesses supersoniques,
les avions créent un front d’ondes de choc par la compression des molécules d’air. Crédits : NASA
C’est un défi difficile. Normalement, lorsqu’un avion vole dans le ciel, il se fraye un chemin à travers des molécules dans l’atmosphère. Cependant, à la vitesse du son, ces molécules ne peuvent tout simplement pas s’échapper assez rapidement. Et ainsi, elles commencent à se compresser, augmentant la pression à l’avant de l’avion. Lorsque l’avion accélère pour aller plus vite que la vitesse du son, il franchit alors cette barrière invisible de résistance, ce qui provoque un changement rapide de pression, appelé onde de choc.
Le problème est que les ondes de choc sont bruyantes. Lorsqu’elles s’éloignent des avions, elles provoquent une détonation sonore qui peut être entendue au sol. Ce n’est pas exactement ce qui est attendu d’un avion de ligne commercial survolant des zones densément peuplées ; et c’est là que ces superbes images peuvent s’avérer utiles.
L’onde de choc créée par le passage du mur du son entraîne une détonation sonore audible depuis le sol.
Crédits : NASA
Après plus de dix années de mise au point, la NASA a enfin créé un système capable de capturer des images d’ondes de choc de haute qualité en plein vol, offrant ainsi à l’équipe une chance d’étudier leur comportement plus en détail que jamais. « Je suis extatique devant le résultat de ces images » déclare Heineck. « Avec ce système amélioré, nous avons considérablement amélioré la vitesse de capture et la qualité de nos images issues de recherches antérieures ».
Mais capturer ces images à couper le souffle n’était pas chose facile. Elles ont été prises par un système d’imagerie embarqué à bord d’un B-200 King Air de la NASA, alors qu’une paire de T-38 volait 600 mètres en dessous à des vitesses supersoniques. Cela signifie que les trois avions devaient être parfaitement alignés, exactement au bon endroit et au bon moment, pour qu’une image correcte soit prise.
« Ce qui est intéressant, c’est que si vous regardez le T-38 à l’arrière, vous voyez que ces chocs interagissent dans une courbe » explique Neal Smith, ingénieur de recherche. « C’est parce que le T-38 vole dans le sillage de l’avion principal, donc les chocs vont être façonnés différemment. Ces données vont vraiment nous aider à mieux comprendre la façon dont ces chocs interagissent ».
Les données pourraient servir à la production de l’avion X-59 Quiet SuperSonic Technology X-plane, actuellement conçu pour produire des ondes de choc qui ressemblent davantage à des vagues silencieuses qu’à des détonations.
« Nous assistons à un niveau de détail physique que je pense que personne n’a jamais vu auparavant. En regardant les données pour la première fois, je pense que les choses se sont déroulées encore mieux que ce que nous avions imaginé. C’est un très grand pas en avant » conclut Dan Banks, ingénieur aéronautique.