L'Europe transpire actuellement sous une violente vague de chaleur avec des températures pouvant dépasser les 40°C. Mais tandis que les océans et les mers se réchauffent, il existe dans l'Atlantique Nord une zone qui se comporte bien différemment: le «Cold Blob» au sud du Groenland reste depuis des décennies plus froid ou se réchauffe beaucoup plus lentement que les autres océans. Un lieu oublié du changement climatique? Malheureusement non.
Ce point froid n'est pas un hasard, mais le signe que le courant méridienne de retournement atlantique (AMOC) s'affaiblit. Ce dernier est un immense courant marin qui transporte de l'eau chaude des tropiques vers le nord, offrant ainsi à l'Europe un climat doux. Si cette «pompe à chaleur» vacille, cela pourrait poser de sérieux problèmes au Vieux Continent, comme le rapporte le «Süddeutsche Zeitung» en référence à une étude publiée dans la revue spécialisée «Communications Earth & Environment».
Les chercheurs Kai-Yuan Li et Wei Liu de l'Université de Californie Riverside ont montré que le «Cold Blob» est un indice de l'affaiblissement de l'Amoc. Comme les mesures directes du courant ne sont disponibles que depuis 2004, ils ont utilisé des données historiques sur la température de surface de la mer et la salinité, qui remontent à 1900. Ils ont ainsi alimenté 94 modèles climatiques avec ces données. Environ la moitié d'entre eux ont montré un affaiblissement de l'AMOC.
Possible, mais plutôt improbable
Le «Cold Blob» se situe à un point important de l'AMOC: au sud du Groenland, là où de l'eau dense et salée descend et reflue au fond de l'océan. Mais ici, l'eau n'est pas seulement froide, elle est aussi moins salée, car diluée par l'eau de fonte des glaciers du Groenland, plus abondante en raison du réchauffement climatique. Cette eau plus légère freine la descente et donc l'ensemble du courant.
Stefan Rahmstorf, de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur les conséquences climatiques, confirme que cette «bulle froide» est une empreinte claire de l'affaiblissement de l'AMOC qui s'affaiblit. Cette bulle peut même être détectée jusqu'à 1000 mètres de profondeur. Depuis le milieu du 20e siècle, l'AMOC a perdu environ 12 à 15% de sa force. Ce n'est pas encore dramatique, mais c'est inquiétant.
On ne sait pas si l'AMOC va bientôt s'effondrer complètement. Un point de basculement, à partir duquel le courant se tarirait durablement, est considéré comme possible, mais plutôt improbable au cours de ce siècle. Un nouvel affaiblissement allant jusqu'à 43% est plus probable. Mais même un affaiblissement modéré peut déjà apporter des hivers beaucoup plus froids en Europe et modifier fortement la météo.
Le Vieux Continent sous la glace
René van Westen de l'Université d'Utrecht met en garde: un effondrement de l'AMOC rendrait l'Europe nettement plus froide. Berlin pourrait alors connaître 54 jours de gel supplémentaires par an, et les fortes tempêtes hivernales seraient plus fréquentes. Les chercheurs ne s'attendent toutefois à de tels scénarios qu'au 22e siècle, lorsque le climat se sera adapté à long terme à la modification de la circulation océanique.
A court terme, le refroidissement dû à un AMOC plus faible entre en concurrence avec le réchauffement global général, ce qui rend les prévisions difficiles pour l'Europe. Mais à long terme, son effondrement serait un très mauvais scénario, avec des températures plus froides, une hausse du niveau de la mer et des zones de pluie modifiées.
Les climatologues comme Stefan Rahmstorf soulignent donc que le risque d'effondrement peut être considérablement réduit si le réchauffement de la planète est limité à 1,5°C. La protection du climat est une nécessité urgente pour maintenir la stabilité du climat européen, même si une vague de chaleur peut laisser penser le contraire.
Daniel Macher