L'image semble tout droit sortie d'un épisode de la bande dessinée Les Mondes d'Aldébaran. L'étrange créature filmée par un drone sous-marin du Schmidt Ocean Institute (SCI) dans les eaux du Ningaloo Canyons au large des côtes australiennes, forme une spirale fantasmagorique au milieu du bleu électrique de l'océan.
Rien de surnaturel pourtant : cette spirale d'environ 15 mètres de diamètre est une Apolemia, un type de siphonophore, appartenant à un embranchement des cnidaires dont font également partie les méduses. Ces êtres marins sont constitués de milliers d'organismes nommés zooïdes et développés à partir du même œuf. Au fur et à mesure de leur gestation, ces clones multicellulaires se diversifient pour acquérir chacun une spécialité. Certains sont ainsi chargés de la reproduction, d'autres du déplacement de la colonie ou de la recherche de nourriture.
Une colonie de clones interconnectés
Mesurant entre quelques centimètres et plusieurs mètres, les sinophores évoluent au fil du temps et se transforment en permanence. Celui repéré par le Schmidt Ocean Institute, estimé à 120 mètres de long, pourrait être le plus long jamais observé, assure l'organisme sur Twitter. « La plupart des sinophores que j'ai pu observer mesuraient autour de 20 cm, voire un mètre. Mais je n'ai jamais vu un spécimen d'une telle taille », s'émerveille sur le réseau social Rebecca Helm, professeure assistante à l'université d'Asheville de Caroline du Nord (États-Unis).
Certains des clones spécialisés dans la capture de proies sont dotés de longues tentacules munies de franges, comme sur la photo ci-dessous. Ces franges urticantes agissent comme des lignes de pêche qui attrapent de minuscules invertébrés, petits poissons et larves. « Une fois digérés, les nutriments sont envoyés le long d'un tube digestif traversant la colonie afin que chaque individu puisse en profiter », détaille Rebecca Helm.
« Ces organismes évoluent très, très lentement. Celui-ci pourrait être âgé de plusieurs centaines d'années, évalue la scientifique. Les sinophores ne sont pas rares, mais ont tendance à se décomposer ou à s'enfuir lorsqu'un engin motorisé s'approche d'eux. Ils changent en permanence de configuration, adoptant occasionnellement une forme de spirale ».
Une région qui abrite une incroyable biodiversité
Le Schmidt Ocean Institute explore le Ningaloo Canyons depuis le 4 mars 2020 grâce à son navire de recherche Falkor, équipé de deux appareils sous-marins robotisés et d'un sonar sophistiqué capable de repérer les organismes marins et de cartographier le fond océanique. « Cette expédition nous apporte un aperçu de l'incroyable biodiversité de cette région », s'enthousiasme l'institut qui collecte également des échantillons d'eau pour analyser l'ADN présent afin de repérer les traces du passage d'animaux potentiellement inconnus. De dizaines d'autres créatures toutes plus étranges les unes que les autres ont déjà été filmées dans les environs, que l'on peut admirer dans la vidéo ci-dessous.