"Tant que tu vivras, cherche à t'instruire: ne présume pas que la vieillesse apporte avec elle la raison" Solon

Le virus du West Nile est de retour


Trois personnes ont été infectées par le virus du West Nile, à Nice. Transmis par le moustique Culex, le plus prédominant en France, il peut être très dangereux et entraîner des complications neurologiques. Il est donc essentiel de savoir comment se protéger efficacement.

SACCOBENT /ISTOCK


A Nice, trois personnes ont été infectées par le virus du West Nile (la fièvre du Nil Occidental), un virus rare transmis à l'Homme par le moustique Culex, le plus prédominant en France. Ces trois cas laissent à penser que le virus circule désormais dans la région, ce qui n'a rien de surprenant en période de vacances scolaires. Selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), 55 cas ont été diagnostiqués en Europe, en Italie, en Grèce, en Hongrie et en Roumanie entre le 27 juillet et le 2 août.

Qu'est-ce que le virus West Nile ? 

Le virus est apparu pour la première fois en France Métropolitaine en 1962 en Camargue, puis à nouveau en 2000. Lors de l’épidémie de 2003, sept personnes ont été touchées dans la Var. Asymptomatique pour 80% des malades, il peut néanmoins provoquer un syndrome grippal et des complications neurologiques pouvant entraîner la mort - la mortalité est évaluée à 2% des cas. On parle alors de méningite du Nil occidental lorsqu'elle atteint son stade le plus grave. L’OMS estime que seule 1 personne infectée sur 150 développe cette forme grave de la maladie.

Le virus du Nil occidental est transmis à l'Homme par des moustiques, eux-mêmes contaminés par des oiseaux. Il infecte en effet principalement les oiseaux, mais également les Hommes, les chevaux, les chiens, les chats, les chauves-souris, les tamias, les mouffettes, les écureuils et les lapins domestiques. L’homme est considéré comme un "hôte accidentel" de la maladie car il ne peut transmettre le virus. Il n'existe alors aucun risque de contamination entre humains.

"La circulation du virus West-Nile est actuellement suivie en France par un triple dispositif de surveillance chez les humains, les chevaux et les oiseaux", informe l'Agence Régionale de Santé Provence Alpes-Côte d'Azur. "Des investigations complémentaires sont actuellement menées par les autorités afin de documenter la circulation virale dans les Alpes-Maritimes. L’Agence régionale de santé appelle à la vigilance des professionnels de santé et des établissements de santé pour signaler tout nouveau cas suspect. Des mesures supplémentaires de sécurisation des dons de sang et des prélèvements d’organes des habitants des Alpes-Maritimes ont temporairement été mises en oeuvre".

Comment reconnaître le moustique Culex et s'en protéger ?

Aussi surnommé "moustique domestique", le moustique Culex peut transmettre des maladies graves comme la Fièvre du Nil Occidental ou l'Encéphalite Japonaise, ainsi que le virus Usutu, à la différence du moustique anophèle, vecteur du paludisme ou du moustique Aedes (dont fait partie le moustique tigre) qui est lui vecteur de la dengue, du Chikungunya et du Zika.

Le moustique Culex ne ressemble pas au moustique tigre : il mesure entre 5 et 7 mm de long et ses ailes dépassent légèrement de l'abdomen, lequel est brun et annelé. Le corps de la femelle peut se déformer lorsqu'elle se gorge de sang. C'est d'ailleurs elle qui pique l'Homme.

Le moustique Culex pipiens, très commun en Suisse, serait le porteur du virus fatal pour les merles


Tout comme le moustique tigre, le Culex apprécie les eaux plutôt chaudes et stagnantes et/ou les mares ou fossés intraforestiers ombreux et il est capable de piquer en pleine journée (à la différence de l'anophèle qui ne pique que la nuit). Il faut donc se protéger en théorie 24 heures sur 24, d'où l'intérêt d'éliminer les gîtes larvaires de votre habitat, c'est-à-dire la moindre source d’eau stagnante, comme les fonds de gouttières ou encore les soucoupes de pot de fleurs. C'est en effet dans ces petits coins tranquilles que les femelles pondent leurs œufs. Soyez vigilants, portez des vêtements amples, posez des moustiquaires. Se prémunir contre les moustiques revient à limiter les risques.

Un virus transmissible à l'homme et qui tue des oiseaux

Les oiseaux ont dû faire face à la sécheresse qui a réduit leur stock de nourriture, mais aussi à un virus émergent, Usutu, qui a fait plusieurs victimes chez les volatiles. «Ce sont particulièrement les merles qui ont été touchés», confirme le professeur Marie-Pierre Ryser-Degiorgis, cheffe du secteur animaux sauvages au Centre de médecine des poissons et des animaux sauvages (FIWI) de l'Université de Berne.

Ce virus Usutu n'est pas un inconnu en Suisse. «La maladie a émergé en 2001 en Europe et les premiers cas connus chez nous datent de 2006», explique la chercheuse. «Nous avons eu encore quelques cas en 2007 puis plus rien jusqu'en 2015, et à nouveau en 2017 avec trois, voire quatre cantons touchés».

Mais 2018 est particulier: «depuis le début de l'année, nous avons déjà analysé 25 oiseaux, dont 21 merles, confie-t-elle. Si tous les résultats ne sont pas encore disponibles, les analyses ont confirmé la présence du virus chez les premiers merles analysés.

Et ce n'est pas fini. «Depuis début août, nous recevons des cas suspects chaque semaine», explique-t-elle. «Il se passe donc quelque chose». Si les merles sont les plus atteints, certains oiseaux de proie, comme les chouettes, seraient également concernés. Les pays voisins sont aussi touchés. Cet été, des cas ont également été observés dans le nord de l'Italie, en France, en Autriche et aux Pays-Bas, souligne Marie-Pierre Ryser-Degiorgis.

La canicule a-t-elle joué un rôle dans l'arrivée de ce virus? «La période des cas de mortalité chez les oiseaux, essentiellement les merles, va typiquement de juillet à septembre», explique la chercheuse. En Suisse c'est le mois d'août qui est le plus critique. «Ceci est lié à l'activité et à l'abondance des moustiques qui transmettent la maladie», ajoute-t-elle. Les étés très chauds et secs semblent favoriser les épidémies, selon elle.

Le virus a également fait parler de lui en France en juin dernier. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié dans la presse scientifique le cas d'un homme de 39 ans, hospitalisé à Montpellier en 2016, et qui présentait une paralysie faciale temporaire que la médecine n'arrivait pas à relier à une maladie précise. Après analyse du liquide céphalo-rachidien, il s'est avéré que le patient était touché par Usutu.

L'Inserm a indiqué que 26 cas d’infection humaine par Usutu avaient été rapportés en Europe. Mais ce chiffre serait largement sous-estimé, selon un spécialiste de ce virus, du fait de l’inexistence de tests de détection et de la méconnaissance générale des symptômes qui y sont associés.

D'où vient ce virus? Usutu appartient à la même famille que les virus Zika ou celui de la fièvre du Nil occidental. Cet arbovirus doit son nom à la rivière éponyme située au Swaziland (aujourd'hui eSwatini), région du sud de l'Afrique dans laquelle il a été détecté pour la première fois en 1959. Tout comme ces cousins, il se transmet par le biais des moustiques et entraîne une mortalité importante chez les passereaux.

Mais les connaissances sur les pathologies humaines sont pour l'instant limitées. Le premier cas d'infection chez un homme a été rapporté dans les années 1980 en République centrafricaine et le 2e au Burkina Faso en 2004, selon le journal scientifique Futura-sciences. Ces premiers patients n'ont eu que des symptômes peu graves : éruption cutanée, légère atteinte au foie.

Si le virus peut donc se transmettre à l'homme, il semble être peu dangereux. «Comme pour les autres arbovirus, la plupart des cas d’infection humaine sont asymptomatiques», estime l'Inserm. De son côté, Marie-Pierre Ryser ajoute: «il peut poser des problèmes chez les immunodéprimés par exemple. Mais le risque d'être heurté par une voiture reste plus grand que celui d'être infecté par ce virus.»

Néanmoins, la prudence s'impose devant un oiseau malade ou affaibli. «Comme pour tout animal sauvage, mieux vaut éviter de le toucher à mains nues», précise le professeur qui précise que le virus ne peut pas se transmettre par contact direct. Elle conseille donc de signaler le volatile au garde-faune local, à un vétérinaire ou à un centre de réhabilitation pour animaux sauvages. Ils se chargeront ensuite d'envoyer si besoin l'animal aux spécialistes pour analyses complémentaires. ?

Anaïs Col