"Tant que tu vivras, cherche à t'instruire: ne présume pas que la vieillesse apporte avec elle la raison" Solon

Le sel, consommé à plus du double de la dose recommandée, aurait même des effets positifs


Les doses absorbées par la plupart des personnes étudiées sont innoffensives, selon l'étude. Image: istock



On nous le martèle depuis des années: nous mangeons trop salé, ce qui favorise le développement d’une hypertension artérielle et des complications cardio-vasculaires. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande d'ailleurs de réduire drastiquement notre consommation, qui varie actuellement entre 6 et 12 g par jour. Or, selon l'OMS et la Fondation suisse de cardiologie, la quantité quotidienne à ne pas dépasser serait de 5 grammes par adulte, soit l'équivalent de 1 cuillère à café par jour.

Mais ce dogme est remis en question par une étude canadienne parue dans le prestigieux journal scientifique «The Lancet», rapporte le Tages-Anzeiger vendredi. Des chercheurs de l'Université McMaster à Hamilton se sont en effet penchés sur les effets du sel avec une dose de 12 g/jour. Ils ont observé les données de 100'000 personnes dans 18 pays et quatre continents pendant 8 ans.

Inoffensif pour la santé

Et ils sont arrivés à la conclusion que la consommation de sel, même à plus du double de la quantité recommandée, était inoffensive pour la santé. Ils ont en effet constaté qu'une forte dose n'avait pas entraîné une augmentation du taux d'infarctus ou de maladies cardiaques, ni une hausse de la mortalité. Au contraire: le risque de mourir prématurément était même plus élevé chez les personnes qui consommaient le moins de sel. Et le risque de crise cardiaque était légèrement plus grand avec une faible consommation.

Ce n'est qu'en dépassant les 13 grammes par jour que le risque de subir un accident vasculaire cérébral augmenterait. Cette forte consommation de sel s'observe principalement en Chine, alors qu'environ 15% seulement des groupes étudiés hors de Chine dépassent ce niveau.

Pour le professeur Franz Messerli de la clinique universitaire de l'hôpital de l'Île à Berne, ces conclusions sont «explosives» et sont à prendre très au sérieux. Cet expert en hypertension critique d'ailleurs les recommandations de l'OMS. Les gens ont l'espérance de vie la plus élevée dans les pays où la consommation de sel est beaucoup plus élevée que recommandé, comme à Hong Kong ou en Suisse. Inversement, l'espérance de vie est nettement inférieure dans les pays à faible consommation de sel, constate-t-il. Et il lance: «les patients atteints d'une maladie cardiaque ne devraient-ils pas justement augmenter leur consommation de sel?»

Prise de position suisse contredite

Il faut dire que ces résultats contredisent les recommandations officielles de la Suisse. Il y a quatre ans, le groupe de travail «sel et santé» avait publié une prise de position sur le sujet au nom de la Fondation suisse de cardiologie. Le rapport affirmait que la consommation excessive de sel avait des conséquences négatives pour la santé. A court terme, elle devait donc être réduite à 8 grammes et à long terme à 5 grammes par jour.

Faut-il maintenant réviser ces objectifs? L'étude est intéressante, selon Peter Ferloni de la Fondation de cardiologie, interrogé par le Tagi. «Mais à ce stade, il semble prématuré de modifier les recommandations», précise-t-il. La Fondation suivra la discussion et y réagira si nécessaire.

Même réaction pour le néphrologue Michel Burnier du CHUV à Lausanne et chef du groupe «Sel et Santé». Il ne voit pas la nécessité d'agir: «Nous recommandons 5 grammes par jour pour que les gens ne pensent pas que 15 grammes peuvent convenir», dit-il. Et il se dit satisfait de la situation actuelle, qui est de 7,5 grammes par jour chez les femmes et 10,5 grammes chez les hommes. «C'est plutôt optimal».

Franz Messerli, en revanche, accueillerait favorablement une révision des recommandations: «Je me demande si cette diminution est vraiment nécessaire. Si l'objectif est de 5 grammes de sel par jour, cela signifie pas de plat bernois, pas de viande des Grisons et pas de raclette», dit-il. Et il conseille surtout la modération pour ceux qui souffrent d'hypertension artérielle.