"Tant que tu vivras, cherche à t'instruire: ne présume pas que la vieillesse apporte avec elle la raison" Solon

Des scientifiques chinois ont modifié génétiquement des vers à soie pour produire du fil d’araignée


cocons de vers à soie


Grâce à ses propriétés naturellement résistantes, souples et légères, la soie d’araignée peut être utilisée dans l’industrie militaire ou médicale à travers des gilets par balle ou encore du fil chirurgical.

Le problème avec les araignées, c’est qu’en faire un élevage est pratiquement impossible car elles se segmenteraient entre elles pour défendre leurs territoires. Les chercheurs ont alors d’abord pensé à faire produire la soie par… des chèvres, en insérant des gênes d’araignées dans leurs mamelles pour qu’elles donnent de la soie dans leur lait. Le souci, cela ne permettait pas de créer directement de fil, les chercheurs se sont donc tournés vers un animal qui en produisait naturellement.

Les chercheurs chinois ont donc modifié le génome des vers à soie pour qu’en plus de leur soie, ils produisent également celle de l’araignée Nephila Clavipes, connue pour sa toile très résistante. Ils ont, pour cela, utilisé l’outil Talen qui coupe l’ADN à un endroit du génome. Une méthode plus efficace que celle utilisée en 2012 par d’autres chercheurs qui cherchaient à obtenir le même résultat avec la technique PiggyBac. Ils avaient obtenu très peu de soie d’araignée, entre 2 et 5%.

La soie du ver à soir contient une protéine FibH qui contient beaucoup de similitudes avec la protéine MaSp1 de l’araignée. Pour faire produire des 2 soies au ver, il a donc suffit aux chercheurs de remplacer le gène FibH par une fusion entre un gène MaSp et un gène FibH. La soie obtenue présentait 35% de soie MaSp1 donc de soie d’araignée, un succès par rapport aux précédentes expériences. Les chercheurs ont publié leurs résultats dans Pnas et sont assez optimistes sur la méthode pour affirmer qu’il serait possible d’en faire une production de masse !




Grâce à la soie d’araignée, des chercheurs ont trouvé une technique inédite pour combattre le cancer

Les vaccins qui stimulent le système immunitaire pour détruire les cellules tumorales sont de plus en plus utilisés dans la recherche sur la lutte contre le cancer. Le succès n’est cependant pas toujours au rendez-vous. Afin d’agir plus efficacement sur le système immunitaire – et en particulier sur les lymphocytes T, des cellules spécialisées dans la détection des cellules cancéreuses – des chercheurs des universités de Genève (UNIGE) et Fribourg (UNIFR), avec leurs collègues allemands des universités de Munich et de Bayreuth et de la startup AMSilk, ont pioché dans les merveilles de la nature pour créer des microcapsules en soie d’araignée capables de livrer le vaccin directement au cœur des cellules immunitaires. Un procédé qui pourrait également être appliqué à des vaccins préventifs visant à protéger contre des maladies infectieuses. Un pas important vers des vaccins stables, faciles d’utilisation et résistants aux conditions de conservation les plus extrêmes.

Notre système immunitaire se base essentiellement sur deux types de cellules, les lymphocytes B – qui produisent les anticorps nous permettant de nous défendre contre de nombreuses infections – et les lymphocytes T. Dans le cas du cancer et de certaines maladies infectieuses comme la tuberculose, ce sont précisément les lymphocytes T qu’il s’agit de stimuler. Leur mécanisme d’activation est cependant plus complexe que celui des lymphocytes B : pour déclencher une réponse, il faut utiliser un peptide, un petit bout de protéine qui, s’il est injecté tout seul, est rapidement dégradé par le corps avant même d’atteindre sa cible. « Or, pour développer des médicaments immunothérapeutiques efficaces contre le cancer, il est indispensable de générer une réponse importante des lymphocytes T », indique la professeure Carole Bourquin, spécialiste des immunothérapies antitumorales aux facultés de médecine et des sciences de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux. « Les vaccins dont nous disposons actuellement n’ont qu’une action limitée sur les lymphocytes T ; il est donc indispensable de développer d’autres procédés de vaccination pour contourner ce problème. »

Pour ce faire, les scientifiques ont utilisé de la soie d’araignée d’épeire diadème, une araignée de jardin très commune en Europe.  Ce matériau très léger, résistant, et non toxique est en outre synthétisable artificiellement. « Nous avons recréé en laboratoire cette soie si particulière pour y insérer un peptide aux propriétés vaccinales », explique Thomas Scheibel de l’Université de Bayreuth, spécialiste mondial de la soie d’araignée, qui a participé à cette étude. « Ensuite, les chaînes de protéines ainsi formées sont enroulées sur elles-mêmes afin de former des microparticules injectables. » Les microparticules de soie forment une sorte de capsule de transport capable non seulement de protéger le peptide vaccinal afin qu’il ne soit pas dégradé par l’organisme, mais aussi d’acheminer son précieux chargement à bon port, au cœur même des cellules des ganglions lymphatiques, augmentant ainsi considérablement la réponse immunitaire des lymphocytes T. « Notre étude a apporté la preuve de la validité de notre technique », révèle Carole Bourquin. « Nous démontrons ainsi l’efficacité d’une nouvelle technique de vaccination extrêmement stable, facile à fabriquer et facilement personnalisable. »

Les scientifiques eux-mêmes ont été surpris par la résistance des microparticules de soie d’araignée à la chaleur, qui supporte plus de 100 °C pendant plusieurs heures sans dommages. En théorie, ce procédé permettrait d’offrir des vaccins ne nécessitant ni adjuvant, ni chaîne de froid. Un avantage indéniable, en particulier dans les pays en voie de développement où l’une des grandes difficultés est justement la conservation des vaccins. L’une des limitations de ce procédé, cependant, réside dans la taille des microparticules : si le concept est en principe applicable à n’importe quel peptide, qui sont tous suffisamment petits pour être incorporés dans les protéines de soie, les recherches doivent se poursuivre afin de vérifier s’il est également possible d’incorporer les antigènes de plus grande taille utilisés dans les vaccins standards, notamment contre la plupart des maladies virales.  « De plus en plus, les scientifiques cherchent à imiter la nature dans ce qu’elle fait de mieux », ajoute Thomas Scheibel. « Cette démarche a même un nom: la bioinspiration. C’est exactement ce que nous avons fait ici. » Les propriétés de la soie d’araignée en font un produit particulièrement intéressant : biocompatible, solide, fin, biodégradable, résistant aux conditions extrêmes et même antibactérien, on peut imaginer de multiples applications, notamment des pansements ou des fils de suture.

Léa Philippe
Clément Bouillé