"Tant que tu vivras, cherche à t'instruire: ne présume pas que la vieillesse apporte avec elle la raison" Solon

Des blessures de soldats qui se mettent à briller et qui guérissent…


Ce tableau représente assez bien l’affrontement lors de la bataille de Shiloh


Il faut tout d’abord replacer les choses dans leur contexte historique : nous sommes au milieu du 19e siècle aux Etats-Unis pendant la guerre de Sécession (guerre civile américaine) opposant Nordistes et Sudistes. A cette époque, les hommes ont encore beaucoup de lacunes en médecine. Lors de la célèbre bataille de Shiloh (une des premières batailles majeures de cette guerre), l’armée des Confédérés est repoussée. Mauvaise nouvelle : de nombreux soldats sont sévèrement touchés et beaucoup doivent attendre deux jours dans les tranchées froides et humides qu’un médecin arrive. Plus surprenant, certains soldats découvrent avec effroi que leurs blessures se mettent à luire. Même aujourd’hui, cette observation hérisse le poil.

Il faut savoir que durant cette bataille de Shiloh, les deux camps ont perdu beaucoup d’hommes. Ce fut un véritable bain de sang et personne n’était réellement prêt à cela, pas même l’Union (pourtant victorieuse). Au final, la bataille fit plus de 3 000 morts et 16 000 blessés. Mais le pire fut peut-être après, lorsque les tirs cessèrent et que les blessures se mirent à s’infecter… Pour ceux qui n’étaient pas capables de se mouvoir, ils ont dû attendre les secours pendant deux jours entiers dans le froid et sous la pluie. N’importe qui sait que ce n’est pas bon pour une blessure sévère. Pourtant, un petit miracle se produisit pour certains soldats. En tout cas, ça y ressembla.

La nuit tombant, plusieurs soldats constatèrent que leurs blessures se mettaient à luire dans l’obscurité : ils appelèrent cela « lumière d’ange » et le surnom resta. Le plus étonnant dans l’histoire vient après : les soldats dont les plaies s’illuminèrent dans les tranchées ont récupéré plus rapidement que les autres et leurs blessures furent bien plus « propres ». Le taux de survie fut également plus important pour ces hommes là. Si cet événement n’était pas aussi documenté, on pourrait croire à une farce. Il n’en est rien. Finalement, c’est en 2001 que ce phénomène a été possiblement expliqué et la réponse serait tout à fait scientifique.

Le mystère fut résolu en 2001 par un jeune étudiant de 17 ans, Bill Martin. Alors qu’il visitait le champ de bataille de Shiloh avec sa mère Phyllis Martin, microbiologiste au Service de Recherche Agricole USDA, il entendit l’histoire de ces soldats et de leurs plaies lumineuses. Il se rappela alors d’une autre histoire, racontée par sa mère : celle de la bactérie bioluminescente Photorhabdus luminescens, qui luit d’une lumière bleu pâle. Son ami John Curtis et lui décidèrent de mener une petite expérience pour savoir si cette bactérie pouvait être responsable de ce phénomène. Les deux étudiants découvrirent que la bactérie P. luminescens aurait tout à fait pu survivre dans la boue de Shiloh, même si la température du corps des soldats était trop chaude. Rien d’impossible puisqu’après deux nuits passées dans le froid du Tennessee au fond d’une tranchée boueuse et sous la pluie, les soldats ont sans doute connu une hypothermie et les bactéries ont alors pu se développer correctement.

Pour survivre, la bactérie P. luminescens s’installe dans le tube digestif d’un nématode parasite (sorte de ver rond) pour se mouvoir et se nourrit des insectes que les nématodes infectent. De façon surprenante et un peu répugnante, le couple nématode-bactérie se met à luire pour attirer davantage d’insectes à infecter. Une partie essentielle du processus réside dans le nettoyage effectué par P. luminescens pour se débarrasser des autres bactéries sur son chemin. Ainsi, si le duo nématode-bactérie s’installe sur une blessure humaine au lieu des insectes habituels, la bactérie bioluminescente va nettoyer la blessure avec précision.

Même si elle pourrait l’être, P. luminescens ne représente a priori aucun danger pour le corps humain et son système immunitaire. Alors bien sûr, tout cela ne veut pas dire qu’il faudrait aujourd’hui employer cette bactérie pour nettoyer des plaies et guérir une infection. Néanmoins, au moment de la bataille de Shiloh, cette solution était finalement préférable à une amputation (courante lors des batailles au cours de l’Histoire).



L’histoire des soldats américains aux plaies lumineuses est un exemple parfait de ce que les bactéries sont capables de faire. Longtemps considérée comme un miracle, la guérison des soldats blessés avait en fait une explication purement rationnelle et scientifique. Les micro-organismes n’ont pas fini de nous surprendre…

Thomas Le Moing